Le Tango Argentin




Nous vous proposons d'apprendre le Tango Argentin :
  • niveau débutant : vous n'avez jamais pratiqué le tango argentin, ou bien vous avez suvi quelques initiations : ce niveau est pour vous.

Martine Rondet vous emportera dans l'ivresse d'une des danses qui apportent le plus de sensation...


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Argentine Tango

Histoire

Le tango a plusieurs histoires. Et, avant toute autre, celle que les compositeurs argentins nous content. Mais par jeu de mélange cette musique (souvent réduite à un rythme) peut être aussi perçue dans la chanson française, le jazz, le rock... et là nous sont données les autres facettes de cette même entité nommée tango.
Le tango argentin naît entre 1860 et 1880 s'accordent à dire les spécialistes. Il résulte du mélange de musiques et de danses diverses, telles que la habanera cubaine, le tango andalou, le candombé des esclaves noirs, la milonga créole... Une naissance dont Horacio Salas nous propose une synthèse : "Quelqu'un demande un tango, et en guise d'explication siffle quelques mesures entendues dans une fête de noirs, ou pour mieux se faire comprendre, esquisse une ou deux contorsions moqueuses. Le musicien croit reconnaître une habanera, rythme que ses doigts connaissent bien, et il joue quelques notes de cette musique venue des Caraïbes il y a plusieurs années déjà. Timidement quelqu'un le corrige. Ce qu'on lui a demandé serait plutôt une milonga. Puis un autre musicien, qui se souvient, joue un curieux mélange de l'une et de l'autre, et la musique commence à se transformer. Une sorte de jeu dont les protagonistes ignorent qu'ils sont en train de fonder un mythe."
Un mythe émergeant des faubourgs où se sont entassés à cette période des milliers d'immigrés européens, mais aussi les gauchos de la pampa, la vaste plaine du centre de l'Argentine, que le chômage rural entraîne vers les villes. Une immigration européenne massive issue d'une politique qu'un de ses fondateurs résuma ainsi "Gouverner, c'est peupler" (J.B. Alberdi).

De cette urbanisation naîtront les deux caractéristiques du nouvel Argentin, le ressentiment et la tristesse. Mais aussi la solitude qui favorisera le fort développement des maisons closes et autres lieux clandestins, où se produiront les premiers orchestres de tangos.

"Temps de tango"

Tout le monde a un coin du coeur ou un repli de l'âme prêt à accueillir les accords chatouillants, la syncope sensuelle et la roucoulade frémissante du tango : de là son succès et son énorme diffusion. Mais pour éprouver toute son intense portée il faudrait saisir le sens des paroles. Le tango est à lui seul un univers. Il est à la fois musique, danse, parole et chant. Non seulement l'expression d'un peuple, mais une façon de voir, d'agir ou de réagir ; il incarne un mode de vivre, une mentalité ; les valeurs, attitudes et comportements d'une collectivité.

Tout le vécu -vouloir, agir, subir-, toutes les situations et projections humaines, toute circonstance, tout désir, toute entrave, toute carence sont assumés et exprimés par le tango. Il est plutôt plaintif, ballade du perdant, élégie du temps révolu, constat moqueur de frustration. Il transmet ainsi sa forte empreinte existentielle. Ce qui explique son emprise sur l'esprit des gens de ces contrées d'où vient le tango.
Originaire des deux rives du Rio de la Plata, de deux villes - Montevideo, l'orientale (comme on dit là-bas) et Buenos Aires, l'occidentale -, le tango est avant tout une création citadine, et déjà séculaire. Elle naît et se déploie au même moment que le jazz, autre musique américaine et urbaine, sa sœur du Nord plus basanée, qui jouit aussi d'une vogue mondiale. Toutes deux ont en Europe un rôle semblable à jouer, fortifiant de salon d'une lubricité licite.

Alors que le jazz - comme la conga et la rumba - est un filon de la culture afro-américaine-, le tango provient du mélange et de l'hybridation. Chez lui, les rapports vernaculaires sont pénétrés de l'alluvion immigratoire. Et voilà pourquoi il adopte le bandonéon, instrument inventé à Hambourg et introduit peut-être par des matelots. D'ailleurs le lunfardo, l'argot du tango, regorge de mots étrangers, surtout génois et français. Et encore, la plupart des interprètes et compositeurs, parmi les plus fameux, ont des noms italiens. Assurément le tango dérive du melting pot, de l'emmêlement ethnique.

Son nom est comme lui, d'origine incertaine. Il évoque autant le tango, tambour des noirs, que le tangage français. Qui sait ? Ces hypothèses révèlent, dans leur diversité, des greffes de partout. En lingala congolais, tango veut dire temps. Pas seulement le tempo musical, mais surtout l'être dans le temps, la temporalité du vécu. Peu de paroles possèdent la prégnance du tango, plongé dans l'expérience de vivre.

Si bien le jazz subit un développement musical plus varié et peut-être plus complexe, s'il montre une souplesse harmonique et une porosité rythmiques surprenantes, les paroles y sont d'une importance moindre ; elles n'atteignent jamais l'ampleur, la subtilité perspicace de celles du tango. Le tango peut aisément philosopher, plaisanter en moralisant, portraiturer, caricaturer, diagnostiquer et même dénoncer. Le tango mêle efficacement la violence luxurieuse, l'emphase débordante avec l'humour qui dédouble le sens et rend légère toute restriction, toute oppression. Il sait se pasticher. Le tango combine le drame et la drôlerie.

Tandis que le jazz s'est avéré capable d'absorber toute autre musique, le tango est canonique ; il a gardé son module, sa cadence, sa mesure à travers les avatars de son évolution : musicalement, le tango semble un carcan. Fixé par la tradition, il est imbu de respect rituel. Possessif, presque une liturgie, ceux qui le dansent ou le chantent doivent s'y engager foncièrement. Cette danse d'embrassement encourage la parfaite fusion du couple. Sa posture de base reste la même, les partenaires ne se lâchent jamais ; ils dansent joue contre joue, profils parallèles, torses accolés, corps recroquevillé, genoux flexibles. Le tango demande tension et concentration. La chorégraphie reste à la charge du garçon qui brode une sinueuse suite de pas, choisis par inspiration parmi la trentaine de figures qui constituent le répertoire du tango. La femme y retrouve la fonction atavique de fidèle et souple suivante de son partenaire. L'homme part toujours du pied gauche et, comme dans les rixes, il ne doit jamais reculer.

Tandis que le tango dansé possède une élégance perverse, un hiératisme lascif, provenant peut-être du fandango andalou, ses paroles chantées surviennent aisément, elles sont d'une efficacité évocatrice en toute circonstance. Pour chaque événement il existe un tango qui l'illustre de manière exemplaire. Et le tango se révèle aussi fournisseur de dictons, proverbes et adages à usage fort répandu. Il suffit de quelques accords, d'un titre ou d'un vers pour provoquer un jet d'images familières. De là sa pérennité, son encrage dans la mémoire populaire. Mais daté, il resurgit lié aux attraits d'un passé caractéristique. Les disquaires américains classent les tangos parmi ses pairs, les vieux fox-trots, dans ce rayon qu'ils dénomment Nostalgie.

Texte écrit par Saùl Yurkievich